✤ Regrets collect like old friends.
Elle claque la porte de la maison, l’envie de vomir au bord des lèvres. Elle ne supporte plus cette misère ambiante, les relents d’alcool qui émanent de sa mère et le sang, surtout le sang que son père s’efforce de faire couler à coups de poing du pauvre corps pourri de sa génitrice. A se demander comment elle est toujours en vie quand d’autres meurent si facilement. Elle ne peut pas planer correctement dans cet endroit et elle refuse de gaspiller la marchandise qu’elle acquiert si difficilement. L’argent est une denrée rare dans sa vie tout comme la drogue est en train de le devenir. Et cette sensation de manque qui étrangle son cœur, elle ne veut plus la connaître. Elle a commencé à voler des pilules à son dealer après le sexe – le moment post-orgasme est comme de l’or liquide pour elle – et elle se dit qu’à commencer à faire la pute pour deux trois pilules tout en risquant sa vie, elle allait bientôt finir sur le trottoir pour gagner de l’argent et le dépenser comme bon le semble. Elle erre dans le Bronx, un joint au bec, hésitante à rejoindre son amant. Il n’y a aucun sentiment entre eux. Rien, juste une affaire de sexe et de drogue. C’est un mec dangereux, s’il apprend qu’elle lui vole de la marchandise, il n’hésitera pas à la flinguer si elle ne le rembourse pas. Elle déglutit légèrement à cette pensée et décide de ne pas lui rendre visite. Il y a trois jours, elle lui a volé quelques pilules et recommencer aussitôt serait dangereux. Elle remonte du Bronx aux quartiers modestes de New York mais plus que fréquentables, les yeux en l’air, planant doucement quand soudain…
« Vous pourriez regarder où vous aller… » « Je te demande pardon, tu… Dites moi que c’est une blague. » Elle s’arrête brutalement de parler alors que devant elle se trouve son sosie exacte. A quelques différences près. Ses cheveux sont blond doré et soyeux – les siens blond sali et en bataille – et son apparence respire la petite fille bien soignée quand elle a l’air d’une véritable camée – ce qu’elle est. Elle voit la surprise sur le visage de son double. C’est comme un miroir qui projette une vie plus brillante, plus douce. Elle n’en revient pas.
« Allie. » « Jezabel. » répond-elle sèchement. Allie lui propose un café et elle accepte parce qu’elle ne refuse jamais ce qu’on lui offre. Les deux heures qui passent l’étourdissent mieux que de l’héroïne. Après une bonne demi-heure à s’assurer qu’elles n’ont aucun lien de parenté, elle écoute blondie lui parler de oh combien sa vie de petite fille riche est dure et de ses soucis qui sont des plus ridicules aux yeux de Jezabel. Son petit-copain est un idiot et sa meilleure amie a mis avant elle cette robe qu’elle aimait tant et tellement de trucs pathétiques que Jezabel a envie de l’étrangler mais elle reste, sans savoir pourquoi elle reste.
« Je ne supporte plus cette vie. J’aimerais tant pouvoir en changer. Sortir du radar de Gossip Girl. » Et soudain cette folle idée qui explique enfin pourquoi elle est restée. Parce que Jezabel donnerait n’importe quoi pour être riche.
« Et si on échangeait nos places ? »♢ ♢ ♢
Elles se donnent rendez-vous dans deux semaines après avoir échangé leurs vêtements. Allie grimace face aux fringues de Jezabel mais cette dernière s’en fiche. Elle n’apprécie pas plus les talons aiguilles et manquent de se ramasser six fois avec avant d’arriver à marcher droit un peu près correctement. Allie garde sur elle plus d’argent que Jezabel n’en a jamais eu mais il est clair qu’elle ne compte pas prendre sa place
place. Elle va juste disparaître dans la nature et faire ce qu’elle veut pendant que Jezabel prétendra être elle. Elle passe deux autres heures à être briefée par Allie sur sa vie, les moindres petits détails et après plusieurs tentatives d’échecs à retenir un quart des informations, Allie lui balance son cellulaire et lui dit clairement de se démerder afin de partir l’air de rien. Jezabel reste assisse dans ce café dans des fringues à trois milles dollars à appréhender ce qu’il vient de se passer. Elle doit désormais prétendre être Allie Fitzgerald. La fille d’une riche famille qui gère une chaine d’hôtels de luxe. Si elle réussit, elle pourrait être riche pour toujours. L’idée de devoir vivre dans un monde superficiel l’écoeure mais c’est un mince sacrifice comparé à tout ce qui l’attend. Elle se lève et inspire profondément. Une fois qu’elle sera sortie, elle devra agir au mieux comme une riche héritière.
« C’est parti. » Elle ne sait pas comment elle survit aux deux semaines. Ce nouveau monde est superficiel au possible, intimidant mais merveilleux. Elle mange des choses auxquelles elle ne pensait pas goûter un jour ni même imaginer. Sa garde-robe est plus grande que son ancienne maison et elle ne s’est jamais trouvée attirée par les vêtements mais face à tout ce tissu, toutes ses couleurs, elle s’est trouvé une nouvelle passion pour la mode. Ses parents – enfin les parents d’Allie – sont des gens froids qui l’ignorent la plupart du temps mais face à l’alcool et aux cris, c’est une bénédiction. Le plus dur reste ses « nouveaux amis », son possible mariage – ça Allie ne lui en avait pas parlé – et surtout cette Gossip Girl qui semble scanner tous ses gestes au peigne fin. Elle a manqué de faire des erreurs plus d’une fois et plus d’une fois elle s’est demandée pourquoi elle tentait de jouer la comédie alors qu’elle aurait simplement pu prendre le plus d’argent possible et s’enfuir loin, très loin d’ici. La vérité est qu’elle apprécie ce tout nouveau monde doré, plein de paillettes et de strass. Les personnes qui se battent pour sa présence aux œuvres de charité, ses études, les brunchs et toutes ces choses qu’elle ne pensait pas pouvoir avoir un jour. L’Elite de Manhattan est un des clubs les plus sélectes du monde et elle a l’occasion d’en faire partie. Et elle a la certitude qu’elle s’y plairait. Tout le monde prétend devant mais par derrière s’ouvre un monde de débauche et honnêtement, Jezabel n’est pas prête à renoncer à la drogue. Alors voilà, cela fait deux semaines qu’elle s’efforce jouer son rôle au mieux et une chose est sûre elle ne veut pas y renoncer. Elles se sont données rendez-vous dans un café encore plus miteux que celui de la dernière fois – à l’entrée du Bronx en réalité – et Jezabel sait à la seconde où elle aperçoit Allie que l’arrangement touche à sa fin.
« Ce t-shirt ne va pas du tout avec ses chaussures. » Jezabel lève les yeux au ciel.
« M’enfin dans ma gratitude, je veux bien t’en faire cadeau. Ces deux semaines ont dû être très sympa pour toi et je dois te remercier. Tu m’as montrée que rien ne vaut ma vie, même si elle me fatigue atrocement parfois. » Allie passe une main snob dans ses cheveux et Jezabel l’imite quelques secondes plus tard, le cœur au bord des lèvres. Allie la regarde, les yeux plissés, remplis de méfiance.
« Bref. Je vais y aller. Disons, à jamais. » Elle se lève et quitte l’endroit miteux. Jezabel la suit aussitôt.
« Non attends ! Tu ne peux pas y retourner. Je veux dire… » Allie la toise du regard.
« Je vois… Tu peux aller te faire voir ma belle si tu crois que je vais rester dans ta vie minable et… » « Jezabel ! » Les deux filles se retournent et le sang quitte le visage de Jezabel. Merde, son dealer. Elle lui devait du fric et avec les pilules qu’elle lui avait piquées, elle était doublement mal foutue. Elle peut voir la bosse de son flingue sous son pantalon et elle déglutit difficilement.
« Je… » Mais il ne la regarde pas, il regarde Allie persuadée qu’elle est elle. La suite, Jezabel serait incapable de s’en rappeler. Les cris, les larmes, les courses dans les rues du Bronx alors que Jezabel essaie d’expliquer pendant qu’Allie essaie de s’enfuir et
lui qui ne comprend pas. Et soudain, le coup de feu qui part. Le silence dans cette petite ruelle perdue au milieu de nulle part alors que le corps d’Allie s’écroule, sans vie.
« Putain Stiles ! Tu l’as tuée ! Tu as tué une putain d’héritière. » Ce dernier semble mi-stupéfait mi-indifférent.
« C’est quoi ce plan pourri Jez’ ? » Soudain il se tourne vers elle, l’arme pointée vers sa poitrine. Elle se fige, le cœur dans l’estomac. Difficilement, elle lui explique toute la situation, effrayée et incapable de bouger un muscle.
« Donc si je comprends bien, tout le monde pense que tu es elle ? » Il pointe le cadavre du bout du doigt et Allie a vaguement envie de vomir. Elle hoche la tête et elle voit Stiles sourire. Soudain il jette le flingue sur elle et réflexe oblige, elle l’attrape. Elle le lâche à la seconde où elle comprend.
« Maintenant, tu es responsable. » Elle le fusille du regard mais comprend déjà où il veut en venir. A partir de maintenant, elle était Allie Fitzgerald. Et personne ne devait jamais
jamais découvrir la sombre vérité qui se cachait derrière ça.